Le bouchon du dentifrice ou la guerre du territoire
Comprendre le besoin de territoire pour mieux vivre ensemble

Les histoires d’amour commencent souvent par un regard… et se corsent parfois autour d’un bouchon de dentifrice.
L’un le referme soigneusement (moi 😁), l’autre jamais (mon Did 😒).
Au début, c’est presque attendrissant :
« Oh chéri ! Tu as oublié de refermer le tube, aha. Je m’en occupe, ne t’inquiète pas » (comme s’il s’en inquiétait…).
Mais à force, la patience s’effrite :
« Diiiiid ! Tu te moques de moi ? Le dentifrice est ENCORE ouvert ! »
Ça vous dit quelque chose ?😇
Et bien, figurez-vous que le problème, ce n’est pas le tube.
C’est ce qu’il symbolise : un besoin de territoire non respecté, une habitude contrariée, un espace qu’on ne maîtrise plus.
Le moyen d’avoir la paix n’est pas toujours de convaincre l’autre… mais parfois simplement de lui rendre son territoire.
Deux tubes, deux espaces, deux manières d’être.
Et soudain, le besoin de territoire est reconnu, et le calme revient.
La psychologie de l’habitat nous montre à quel point ces petits gestes du quotidien traduisent des besoins profonds d’espace, de liberté et de reconnaissance.
Un réflexe vieux comme le monde
Comme tous les êtres vivants, l’humain a besoin de délimiter son espace.
Ce besoin de territoire n’est pas social, il est biologique.
C’est un réflexe archaïque, inscrit dans notre cerveau depuis la nuit des temps.
Savoir où l’on est chez soi, où l’on peut se détendre sans crainte, fait partie des fondations de la sécurité intérieure.
Quand notre territoire est menacé, une alarme se déclenche.
Le système limbique — le centre émotionnel du cerveau — s’active : vigilance, tension, défense.
Ce n’est pas un manque de patience ou de tolérance, mais une réaction naturelle.
Protéger son espace, c’est protéger son équilibre.
Le couple : cohabiter sans s’effacer

Vivre à deux, c’est composer en permanence.
Partager une chambre, une salle de bain, un espace de travail… c’est renégocier chaque jour son besoin de territoire.
Et si cette adaptation n’est pas consciente, elle devient souvent source de tensions.
L’un aime la lumière, l’autre la pénombre.
L’un range, l’autre s’étale.
Ces différences ne sont pas de simples préférences : elles traduisent des besoins sensoriels et émotionnels distincts.
Quand les frontières deviennent floues, le cerveau envoie le signal d’intrusion.
Les disputes surgissent alors sur des détails : un tiroir déplacé, une serviette mal pliée, un bouchon non refermé…
Mais en réalité, il ne s’agit pas d’ordre, il s’agit de territoire personnel, d’un espace à soi à préserver.
La clé, c’est la clarté.
Un coin dressing, une table de chevet personnelle, un espace distinct dans la salle de bain.
L’harmonie ne vient pas de la fusion, mais du respect du besoin de territoire et des différences de chacun.
Chez l’enfant, le territoire construit la confiance

Pour un enfant, le territoire est essentiel à la construction de soi.
Sa chambre n’est pas qu’un lieu de jeu ou de sommeil : c’est un espace d’identité, un lieu d’expérimentation, d’autonomie et d’expression personnelle.
Quand ce territoire n’est pas respecté — on entre sans prévenir, on range à sa place, on impose ses règles —, l’enfant se sent envahi.
Et il le manifeste souvent sans le dire :
- pipis au lit
- colère, refus, repli
- désordre, accumulation d’objets pour “occuper le terrain”
Ces comportements ne sont pas des caprices, mais des tentatives instinctives de restaurer une sécurité intérieure.
Reconnaître son territoire, c’est lui apprendre la limite, la sécurité, la responsabilité.
Autrement dit : c’est lui permettre de grandir.
Et au travail ? Le mirage du “flex office”

On pourrait croire que cette histoire de territoire s’arrête à la maison.
Mais non. Le monde professionnel s’en empare aussi, souvent sans en mesurer les effets.
Le flex office ou bureau libre — où chacun s’installe chaque jour là où il veut — illustre bien cette tendance.
Sur le papier, tout semble séduisant : mobilité, liberté, échanges facilités.
Et il faut reconnaître que certains profils s’y épanouissent : les personnes très adaptables, extraverties, ou motivées par la variété et la stimulation du changement.
Mais pour d’autres, cette absence de repères peut devenir source d’un inconfort invisible.
Ne pas savoir où poser ses affaires, ne pas avoir “sa” place, c’est comme marcher sur un sol instable.
Le cerveau, privé d’ancrage, reste en alerte.
Résultat : irritabilité, fatigue, baisse de concentration, repli.
Avoir un poste attitré, un siège familier ou même une simple plante à côté de soi, ce n’est pas de la manie :
c’est une ancre psychologique, un repère qui stabilise et apaise.
Le vrai enjeu n’est donc pas de choisir avec ou sans place fixe,
mais de permettre à chacun d’exercer son libre choix territorial selon son mode de fonctionnement.
Quand le territoire disparaît
Que ce soit à la maison ou au travail, un territoire non défini finit toujours par se manifester.
Les signes sont souvent les mêmes :
- tensions récurrentes
- accumulation d’objets
- sensation d’étouffement
- fatigue émotionnelle
- besoin de s’isoler ou de marquer l’espace
Ces signaux parlent d’un déséquilibre.
Quand les limites physiques et symboliques disparaissent, la relation à soi et aux autres se brouille.
L’espace devient le reflet de luttes invisibles : qui prend trop de place, qui n’en a plus.
Réapprendre à poser les limites

Rééquilibrer un intérieur (ou un open space), c’est redonner à chacun une place identifiable.
Pas pour diviser, mais pour clarifier.
Cela passe par des gestes simples :
- distinguer les zones communes et personnelles
- respecter les affaires de l’autre
- créer des repères stables : lumière, odeurs, textures, rituels
- préserver des bulles d’intimité, même dans les lieux partagés
L’harmonie d’un lieu ne se mesure pas à sa symétrie,
mais à la manière dont chacun y trouve sa juste place.
En conclusion
Le bouchon du dentifrice, le bureau partagé, la chambre commune…
Derrière ces petits riens du quotidien, il y a une réalité beaucoup plus grande :
celle de notre besoin d’espace pour exister.
Ce n’est ni un luxe ni une lubie.
C’est un besoin biologique, psychologique et relationnel.
Quand chacun sait où il commence, la maison respire, le couple s’apaise,
et même le travail devient plus fluide.
Alors, plutôt que de partir en croisade pour un tube mal refermé…
Offrez-vous simplement le vôtre.
Deux dentifrices, deux territoires, et la paix des ménages est sauvée. N’est ce pas mon Did ? 😉
Et si, finalement, l’harmonie commençait par un petit geste… au rayon hygiène ? 🪥
Lors de mes accompagnements, j’aide à retrouver cet équilibre subtil entre les espaces de vie et les émotions.
Parce qu’une maison équilibrée, c’est souvent un esprit apaisé.

